(Proposition pour l’invention de la figure de « l’artiste chercheur » : récupérer des territoires gagnés par la publicité)
À qui a-t-on confié la création des images probablement les plus répandues, celles des billets de banque ? « En septembre 1996, dans le plus grand secret, le designer Gérard Caron, choisissait au nom de la France, la maquette des billets de l’euro. » (admirabledesign.com)
Il y a des images qui devraient relever de la sphère publique. L’université n’a pas été sollicitée pour penser l’euro, « on » a préféré faire appel à Gérard Caron, fondateur de la première agence de design-marketing en France. Lui et quelques autres, réunis par l’institut monétaire européen, ont décidé pour nous quelles seraient les images les plus répandues en Europe. Et voici leur résultat : Une série de billets représentant les « hommes et les femmes d’Europe à différentes époques », une autre représentant les «arts abstraits et contemporains » et une troisième sur les «styles architecturaux dans l’histoire ». Pour ne pas faire de jaloux, aucune image ne devait faire référence à un pays en particulier. Les européens représentés ne devaient donc être d’aucun pays, les œuvres d’art d’aucun artiste existant, les architectures de nulle part… Les graphistes téméraires ont donc proposé de faux chefs d’œuvres du xxème siècle. Ce sont finalement les faux chefs d’œuvres de l’architecture d’Europe, commis par Robert Kalina, qui sont sortis gagnants. Qui a eu l’idée de classer les époques architecturales de façon à ce que le billet le plus populaire (5 euros) représente une vieille bâtisse et le billet des plus riches (500 euros) représente l’architecture contemporaine de type building ? L’air du temps…
Et si on avait confié ces images à des « artistes chercheurs » ? Je me prête au jeu de l’utopie… Et voici une image d’un billet de 500 euros représentant un bol de riz sur fond de sol asséché.
Frédéric de Manassein, texte et image de 2004.